Allocutio du Pere Bede McGregor, OP Juin 2016
Le Sacré-Coeur et la spiritualité de la Légion de Marie
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Le mois de juin est le bon moment pour réfléchir une fois de plus au don infini du Sacré-Cœur de Jésus et à sa place fondamentale dans l’histoire et la spiritualité de la Légion de Marie. La prière au Sacré-Cœur a la première place dans la petite litanie de la Tessera. Nous prions simplement tous les jours : « Cœur Sacré de Jésus, Prends pitié de nous ». Alors, nous pensons peut-être à ce bel apostolat, l’un des premiers et des plus fructueux de l’histoire de la Légion, l’intronisation du Sacré-Coeur dans les foyers. Cet apostolat est probablement encore plus nécessaire et plus urgent, aujourd’hui, dans le monde entier, et en particulier dans notre monde occidental où le mariage et la famille sont confrontés à de nombreux défis et à des difficultés écrasantes décrites de façon si poignante par le Pape François dans sa lettre apostolique : « La joie de l’amour ». Nous pensons aussi à la promotion par la Légion de l’Association des Pionniers de l’abstinence totale d’alcool qui est d’abord et essentiellement une dévotion au Sacré-Cœur de Jésus. Dans un monde qui est immergé dans de nombreux types de dépendances destructrices telles que des médicaments de toute sorte, la pornographie et peut-être des formes stupides de divertissement, il y a un besoin urgent d’apporter une vraie dévotion au Sacré-Cœur dans cette culture totalement persuasive. Cela présente un grand défi à la Légion qui, tout en maintenant ses moyens traditionnels de diffusion de cette dévotion, doit concevoir de nouvelles façons pour permettre aux personnes, en particulier aux jeunes, de découvrir le vrai sens de l’amour et la vraie joie d’aimer, illustrés par le Cœur et la vie de Jésus.
Je pense qu’il serait bon de regarder l’exemple de notre fondateur Frank Duff et sa profonde dévotion au Sacré-Cœur. Dans sa chambre, il avait placé une grande image du Sacré-Cœur de telle sorte que, la première chose que ses yeux voyaient quand il se réveillait le matin et la dernière chose qu’ils voyaient avant de dormir, était l’image du Sacré-Cœur. Cette image était dans sa chambre depuis plus de soixante ans.
Nous nous souvenons qu’il a rejoint les Pionniers en 1914, donc quand il est mort en 1980, il en avait été membre pendant 66 ans. Comme nous l’avons dit, ce mouvement est essentiellement une dévotion particulière au Sacré-Cœur et frère Duff aurait prié la prière des Pionniers deux fois par jour, comme cela est recommandé à tous les membres : « Pour Ta plus grande gloire et consolation, ô Sacré-Coeur de Jésus, pour que Tu me fasses donner le bon exemple, pratiquer l’abnégation, faire réparation envers Toi pour les péchés de l’intempérance, et pour la conversion des buveurs excessifs, je m’abstiendrai à vie de toute boisson enivrante ». Frank Duff n’était pas un Pionnier superficiel parce qu’il connaissait la dévastation directe due à la consommation excessive d’alcool dans d’innombrables cas, et il avait une profonde dévotion au Sacré-Cœur. Cette relation au Sacré-Cœur de Jésus aurait façonné son âme et nimbé au moins implicitement toutes ses relations avec les gens qu’il rencontrait, jour après jour.
Cela nous amène à la question centrale de cette Allocutio. La place du Sacré-Coeur dans la spiritualité de la Légion ne peut pas être réduite à des pratiques spécifiques mais doit être formatrice et fructueuse. Elle doit être bien plus radicale. Elle doit être la source de nos attitudes et nos actions les plus profondes ; elle doit être le secret le plus profond de nos âmes. Donc, qu’est-il exactement ce pilier fondamental de la spiritualité de la Légion ? Permettez-moi de commencer par une citation d’un livre de saint Jean-Paul II « Le signe de contradiction » : « Tout au long de la description de la Genèse, on peut entendre battre le cœur. Nous avons devant nous, non pas un grand constructeur du monde, un démiurge : nous sommes en présence du grand cœur ». Dieu ne peut pas bénéficier de la création parce qu’iI a déjà tout à l’infini et parfaitement. Tout est dans l’intérêt de la création. En d’autres termes, dans la profondeur de toute la réalité créée se trouve le grand Cœur de Dieu. Cela est particulièrement vrai de la personne humaine. Nous existons parce que nous sommes aimés ou dans d’autres termes, nous existons parce que nous sommes tenus dans le Cœur de Dieu. Ce Cœur ne cesse d’être totalement axé sur chacun d’entre nous. Cette vérité est enracinée dans la seule définition de Dieu qui se trouve dans le Nouveau Testament : Dieu est Amour. Ainsi, dans les racines les plus profondes de notre être, nous sommes habituellement en présence du grand Cœur de Dieu.
Ces vérités deviennent encore plus claires dans l’Incarnation. Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils dans le monde pour souligner sa proximité avec nous, pour partager notre nature même, pour s’identifier profondément à nous en toutes choses, excepté le péché. Mais qu’en est-il des conséquences du péché ? L’Amour vraiment stupéfiant de Dieu devient encore plus clair. Comme saint Paul nous le dit : Dieu nous a aimés alors que nous étions encore pécheurs. Dieu s’est fait homme précisément par amour pour les pécheurs. Le Cœur de Dieu est rivé sur le malade spirituel et en phase terminale, sur le plus méprisable des pécheurs, sur la personne spectaculairement mauvaise. Il est venu pour sauver les pécheurs et c’est sa propre définition. La Passion, la Mort et la Résurrection de Jésus sont la preuve suprême de la Bonne Nouvelle. Et l’Eucharistie et le Sacrement du Pardon divin sont le prolongement accessible et la présence réelle de la Bonne Nouvelle. Que cet esprit qui est en vous soit l’Esprit et le Cœur de Jésus.
Ainsi, le Sacré-Cœur est le symbole et le langage humain les plus appropriés pour entrer dans le mystère de l’Amour de Dieu, de sa vraie identité et de sa vie intérieure. La vérité la plus importante sur le Sacré-Cœur est que Dieu nous a aimés le premier. Telle est la vérité que le chrétien, et donc le légionnaire, a besoin de placer au centre de sa vie intérieure et qui doit devenir l’âme de tout son apostolat.
Au cas où je n’aurais pas réussi à donner une indication convaincante de la signification du Sacré-Cœur à mes collègues légionnaires, permettez-moi de citer un des nombreux textes de l’Ecriture Sainte qui dit tout ce que je voulais dire : « Alors, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? ... Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. J’en ai la certitude : ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les Principautés célestes, ni le présent, ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur ». (Rom, 8, 35,37-39)